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Bénin : Sodjinou a dit la messe d’enterrement politique de Boni Yayi

Bénin : Sodjinou a dit la messe d’enterrement politique de Boni Yayi

Par Rémi Kokodé, Analyste Politique

Il fallait bien que quelqu’un le dise. Ce dimanche 19 octobre 2025, Michel François Oloutoyé Sodjinou a osé ce que beaucoup, au sein du parti Les Démocrates, pensaient tout bas : le temps politique de Boni Yayi est révolu.
Dans un discours d’une rare fermeté, le coordonnateur de la 19ᵉ circonscription a non seulement dénoncé la falsification présumée de sa fiche de parrainage, mais il a aussi livré ce qui ressemble à la messe d’enterrement politique de l’ancien président. Une oraison lucide, parfois sévère, mais nécessaire.

La fin d’un cycle

Quand Sodjinou parle de « politique des intrigues, du clanisme et du mépris de la base », il ne prononce pas une simple colère : il scelle la fin d’un cycle.
Boni Yayi, figure tutélaire de l’opposition béninoise, avait réussi le pari de rassembler après la tempête du pouvoir. Mais avec le temps, son mode de gestion du parti Les Démocrates s’est transformé en reproduction miniature du système qu’il dénonçait : un leadership vertical, une parole verrouillée, une désignation imposée. Sodjinou n’a pas parlé contre un homme ; il a parlé contre une méthode. Une méthode qui, au nom de la fidélité et de la loyauté, étouffe la contradiction, instrumentalise les symboles et ignore la base militante. Dans le vocabulaire religieux qu’il affectionne, on dirait : le temple s’est vidé de son esprit.

 

Le clan contre la base

Les mots de Sodjinou résonnent comme une fracture idéologique : « On nous impose mon frère Renaud Agbodjo parce qu’il est de Savè et neveu de Boni Yayi ».
Cette phrase, au-delà de sa dimension polémique, traduit une réalité persistante : le parti est devenu un cercle familial élargi, où la proximité remplace la compétence. Le clanisme, cette maladie chronique des formations politiques africaines, a fini par ronger l’espoir de régénération démocratique que portait Les Démocrates. La base, elle, observe, impuissante. Elle ne comprend pas comment le parti qui promettait de redonner la voix aux oubliés a pu retomber dans les mêmes travers : l’exclusion, le silence imposé et la fidélité contrainte. Boni Yayi, en refusant d’écouter les signaux venus du terrain, s’est enfermé dans une tour d’ivoire où il parle encore au nom du peuple, mais sans plus le représenter.

Le chant du cygne du chef historique

Dans la bouche de Sodjinou, l’expression « Je suis en colère ! » sonne comme un verdict, pas une revendication. Elle dit la fatigue d’une génération qui a tout donné pour un parti et qui se retrouve trahie par les mêmes logiques qu’elle combattait hier. Boni Yayi devient ici le symbole d’un leadership qui se survit à lui-même, qui refuse la relève, qui croit qu’en imposant le silence il préserve l’ordre. Or, en politique, le silence est le signe de la fin. Quand les fidèles se mettent à douter, quand les cadres refusent d’être complices, quand le consensus devient contrainte, la messe est dite. Et Sodjinou, ce dimanche, en a lu l’homélie : la politique des intrigues, du clanisme et du mépris de la base ne peut plus être celle de l’avenir.

Boni Yayi, l’homme de trop

Le paradoxe de Boni Yayi, c’est qu’il a toujours voulu sauver l’opposition en la dirigeant comme un chef de guerre, alors qu’elle avait besoin d’un stratège collectif. Il voulait l’unité, mais il a imposé la soumission. Il voulait la victoire, mais il a provoqué la division. À force de vouloir régner, il a tué le rêve d’alternance démocratique qu’il prétendait incarner. Sodjinou ne l’a pas seulement défié ; il l’a diagnostiqué. Et le diagnostic est sans appel : Boni Yayi n’est plus le moteur de l’opposition, il en est devenu le frein.

 

Un appel à la renaissance

La sortie de Sodjinou n’est pas un simple règlement de comptes. C’est un acte fondateur : celui d’une nouvelle génération d’opposants qui refuse de reproduire les erreurs de ses aînés.
En dénonçant les pratiques du passé, il ouvre un débat sur la nécessité d’un leadership collectif, transparent, et reconnecté aux militants.

La politique béninoise a besoin de rupture, pas de réincarnation.
Et si cette rupture doit passer par la fin de l’ère Boni Yayi, alors, oui — Sodjinou vient d’en célébrer la messe d’enterrement.

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