Une semaine après la tentative de coup d’État du 7 décembre au Bénin, les enquêtes se poursuivent. Les autorités béninoises cherchent à savoir si des soutiens extérieurs ont aidé les putschistes. Les soupçons se portent notamment sur le Niger, dirigé depuis 2023 par une junte militaire.
Selon plusieurs sources béninoises et nigériennes, les militaires au pouvoir à Niamey auraient été informés à l’avance du projet de coup d’État. Certaines sources évoquent même une possible coordination avec les mutins béninois, conduits par le lieutenant-colonel Pascal Tigri.
Des intérêts stratégiques en jeu
Pour les régimes militaires du Niger, du Burkina Faso et du Mali, réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), un changement de pouvoir à Cotonou aurait été un avantage majeur. Cela leur aurait permis d’étendre leur influence vers le sud et d’obtenir un accès à la mer grâce au port de Cotonou, un atout stratégique important.
Un tel scénario aurait aussi affaibli le président béninois Patrice Talon, perçu comme proche de la France et allié du président Emmanuel Macron dans un contexte régional tendu.
Des relations déjà très dégradées
Depuis le renversement du président nigérien Mohamed Bazoum en juillet 2023, les relations entre le Bénin et le Niger se sont fortement détériorées. Le Bénin avait soutenu une intervention militaire régionale contre la junte nigérienne, finalement abandonnée.
Depuis lors, la frontière entre les deux pays est fermée, pénalisant les échanges commerciaux et affectant les populations vivant de part et d’autre de la frontière.
Des mouvements suspects à la frontière
Selon des sources locales, le 6 décembre, quelques heures avant le déclenchement du putsch à Cotonou, l’armée nigérienne aurait dégagé l’accès au pont reliant Gaya (Niger) à Malanville (Bénin), fermé depuis plus de deux ans. Des véhicules militaires auraient également été déployés dans la zone.
D’après ces mêmes sources, si le coup d’État avait réussi, une réouverture symbolique de la frontière était prévue. Dimanche matin, à l’annonce d’un coup d’État en cours à Cotonou, des scènes de liesse ont été observées à Malanville et à Gaya.
Uranium et enjeux économiques
Les enquêteurs s’intéressent aussi à un dossier sensible : le transport de 1 000 tonnes de « yellow cake », un concentré d’uranium produit dans l’ancienne mine nigérienne d’Arlit. Ce stock, récemment acheté par le groupe nucléaire russe Rosatom, devait être exporté.
Selon certaines sources, en cas de succès du putsch, ce convoi aurait pu passer par le port de Cotonou, une route plus courte et plus sûre que celle passant par le Togo, notamment à cause de l’insécurité dans certaines zones du Burkina Faso.
Kemi Seba dans le viseur de la justice
Le rôle de Kemi Seba, militant béninois opposé au président Talon et proche de l’AES, est également examiné. Nommé « conseiller spécial » par le général Abdourahamane Tiani en août 2024, il avait salué publiquement le coup d’État en cours sur les réseaux sociaux.
La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) a émis un mandat d’arrêt international contre lui.
Des suspects toujours recherchés
Selon les autorités béninoises, entre 100 et 200 militaires auraient participé à la tentative de coup d’État. Treize personnes ont été arrêtées, mais plusieurs suspects, dont les principaux responsables, sont toujours en fuite.
Le chef présumé des putschistes, le lieutenant-colonel Pascal Tigri, ancien commandant des forces spéciales, aurait quitté le pays et serait recherché dans la sous-région.
Le gouvernement béninois affirme rester prudent mais vigilant. « Nous n’accusons personne pour le moment, mais nous ne sommes pas naïfs », a déclaré le porte-parole du gouvernement, assurant que toutes les pistes sont examinées.
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